Retour sur la rencontre CRMCCA

Mis à jour le 19/04/2024
LCA ARA DAMAISIN CRMCCA

PRÉVENTION / Depuis de nombreuses années déjà, les acteurs du monde agricole et les services de l’État, sur l’ensemble des territoires français, se mobilisent pour accompagner les agriculteurs en situation de mal-être et les sortir de l’ornière.
Mi-mars, Olivier Damaisin, coordinateur national du Plan prévention mal-être en agriculture, est venu, à l’invitation de la CRMCCA(1), échanger avec certains des acteurs locaux engagés dans cet accompagnement.

Le bien-être en agriculture : le monde agricole s’engage

Depuis la sortie du film "Au nom de la terre" d’Édouard Bergeon en 2019, qui relate sans détour la descente aux enfers d’un éleveur qui le conduira à commettre l’irréparable, le suicide en agriculture n’est plus un tabou politique. Ce sujet de société est en effet pris à bras-le-corps par les acteurs du monde agricole et les pouvoirs publics. Si dès 2011, des plans d’action avaient été mis en œuvre, en 2021, c’est une feuille de route qui est écrite. Les objectifs sont multiples et clairs : humaniser les rapports aux agriculteurs en difficulté et être à l’écoute de chaque cas personnel, aller vers ceux et celles qui sont isolés face à leurs difficultés, prévenir et accompagner. Des objectifs qui exigent de la proximité et des moyens mobilisés à l’échelle des territoires. Ainsi, dans tous les départements, une cellule dédiée à la question du mal-être en agriculture et un réseau de personnes « sentinelles » doivent se déployer. La machine est lancée et, en 2024, la route semble se tracer petit à petit. « Aujourd’hui, tous les départements ont mis leur comité en place et les sentinelles se forment et sont actives », a noté Olivier Damaisin, coordinateur national interministériel du Plan prévention mal-être en agriculture, en déplacement dans la Loire, le 12 mars dernier, dans le cadre d’un temps d’échange organisé par la CRMCCA1 avec les acteurs du monde agricole. « Il faut maintenant la renforcer et lui donner davantage de visibilité. Nous devons aller sur le terrain, échanger avec les acteurs, faire remonter les choses. » Sur les territoires, les propos du coordinateur se confirment.

Du lien de terrain

À l’instar de nombreux départements, en Ardèche, Drôme et Loire, la formation des sentinelles, coanimée par des professionnels cliniciens et des travailleurs sociaux de la MSA, s’est instaurée en 2023. « Nous avions pour objectif de former 50 sentinelles par département sur l’année. Cette formation s’adresse à tous les citoyens sur les territoires et nous souhaitions, avec cette action, toucher un public qui est en contact avec le milieu agricole, a expliqué Julie Malsert, chargée d’étude sur le mal-être à la MSA Ardèche, Drôme, Loire. Cette formation, au-delà de donner des éléments concrets sur ce que peut être la crise suicidaire, elle vise surtout à sensibiliser les personnes à la problématique du mal-être et à donner des clés pour remettre de l’humanité dans nos relations humaines, pour être attentif et sensible aux signes du mal-être. » Pari réussi pour la MSA qui a formé, en 2023, 250 sentinelles. Prochaine étape : le déploiement de l’animation du réseau. Pour Grégory Chardon, agriculteur dans la Drôme et coopérateur à la cave de Tain l’Hermitage, cette formation a été indispensable. « Tant qu’on n’y est pas confronté, on ne se rend pas compte. On peut mieux appréhender les choses après. »
Au-delà d’être formé, Grégory Chardon reconnaît l’importance de l’entraide et du réseau dans ce soutien indispensable. « La coopérative est une grande famille, nous ne sommes pas simplement des apporteurs de raisins. Quand l’un de nos collègues ne va pas bien, il faut l’écouter et nous rassembler pour l’aider. C’est ça la force du collectif. »

« Il y a forcément une solution quelque part »

En effet, aujourd’hui, si le tabou politique semble être tombé, il existe encore dans les rangs des agriculteurs reconnus bien souvent comme taiseux. Un travail collectif est donc nécessaire pour libérer la parole. « Dans le monde agricole, il existe un véritable maillage pour aider les personnes en difficulté. Nous devons travailler tous ensemble, car la solution n’est rarement pas que bancaire », a souligné Jean-Baptiste Couderc du Crédit agricole Centre France. « Nous organisons en ce sens des tables rondes en réunissant différents acteurs pour mutualiser les solutions. Les agriculteurs ont besoin de perspectives. Il y a forcément une solution quelque part. » À Groupama aussi le mutualisme est la clé. « Nous avons pris à bras-le-corps la problématique de la santé mentale. Nous avons créé des synergies avec les professionnels de la santé au niveau du département pour orienter les personnes vers le bon relais.
Nous devons créer des synergies en remettant de l’humain au centre », a noté Betty Vacher, coordinatrice des actions prévention-sante à Groupama Loire. Plusieurs actions collectives ont été mises en place comme un bus bienêtre qui sillonne le département.

Mettre les moyens

« Sur le terrain, nous sommes de multiples acteurs et de nombreuses actions sont initiées. Nous avons tous à cœur de mener à bien cette mission. Aujourd’hui, il est primordial de faire confiance à l’existant, aux structures en place. Nous avons la volonté commune de bien faire les choses, mais nous devons être en mesure de le faire jusqu’au bout. Il nous faut les moyens de le faire », a interpellé Philippe Panel, président de la CRMCCA.
Deux ingrédients semblent alors indispensables pour relever ce défi : la volonté collective de travailler ensemble et des moyens humains et financiers mobilisés. « Il ne faut pas oublier aussi de dire aux agriculteurs qu’ils travaillent bien, qu’ils font bien leur métier passion », a insisté un éleveur laitier de Haute-Loire. De quoi redonner confiance.

(1) La Confédération régionale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (CRMCCA) regroupe la MSA, La Coopération agricole, Groupama et le Crédit agricole.

Marie-Cécile SEIGLE-BUYAT,
Presse agricole départementale Auvergne-Rhône-Alpes