RAVAGEURS: LUTTER SANS INSECTICIDES


Sur l'île de Ré, la coopérative viticole utilise depuis 5 ans une méthode de biocontrôle pour limiter la prolifération d'insectes ravageurs des vignes. Cette méthode est efficace tout en préservant la biodiversité de la faune auxiliaire. Elle permet également, dans cette zone touristique, de protéger le vignoble sans provoquer de
nuisances pour les habitants et les touristes de l'île.
>> Comment fonctionne le principe de confusion sexuelle et comment protège-t-il la biodiversité ?
La confusion sexuelle que nous avons mise en place est destinée à lutter contre la prolifération de papillons appelés Cochylis et Eudémis, ravageurs des vignobles : les perforations qu'ils provoquent favorisent la présence de pourritures comme le botrytis. Des capsules microporeuses installées dans les vignobles diffusent des hormones identiques à celles émises par les femelles. Les mâles « confusés » ne localisent pas les femelles et les accouplements n'ont pas lieu.
Ce type de biocontrôle ne tue pas les insectes. Il préserve la biodiversité entomologique et protège la faune auxiliaire. En outre, pour les viticulteurs, il permet de supprimer 2 passages d'insecticides et par là même, évite la manipulation de ces produits. L'Indice de Fréquence de Traitement (IFT) de notre vignoble est de 13, contre 18 en moyenne dans notre zone viticole. Cette stratégie de lutte est efficace. Il y a 5 ans, certains vignerons piégeaient jusqu'à 300 papillons par hectares. Aujourd'hui plus du tout. Nous avons l'avantage d'être dans un contexte particulier insulaire. La confusion sexuelle est plus efficace si elle est menée dans des îlots homogènes de parcelles.
Comment avez-vous mis en place ce système ?
Alors que la confusion sexuelle apparaissait comme trop coûteuse et contraignante pour les viticulteurs, la coopérative UNI-RE a mis en place un essai en 2011 auprès de 8 viticulteurs. Ils ont constaté qu'ils n'avaient pas eu de pourriture, sans avoir besoin de traiter. Le nombre de producteurs et de surfaces engagés a augmenté d'année en année jusqu'à compter aujourd'hui 460 hectares, soit 80 % de la surface du vignoble de l'île. Le premier frein à cette méthode est son coût. La collectivité territoriale de l'île a apporté son aide financière jusqu'en 2014 pour lancer la démarche. Depuis, le conseil d'administration de la coopérative UNI-RE a décidé de prendre en charge la totalité du coût de la confusion sexuelle, pour toute l'île. L'autre difficulté est de poser l'ensemble des diffuseurs en début de saison : 500 diffuseurs à l'hectare en 3 jours, sous forme de capsules. 255 000 en tout. Cette opération de pose collective demande une grande coordination mais ce moment convivial renforce les liens entre les viticulteurs et les associations environnementales qui viennent les aider.
Quel retour d'expérience pouvez-vous partager ?
Pour être efficace, cette stratégie de lutte doit être conduite en commun, comme une action de masse, sur la plus grande surface possible. Elle est adéquate pour les zones touristiques comme l'île de Ré : cette pratique ne génère pas de nuisances pour les habitants et les touristes, ce qui facilite la cohabitation entre agriculteurs, touristes et habitants ainsi que la commercialisation des vins.
Quelles perspectives pouvez-vous entrevoir pour la suite ?
Vu l'efficacité, on continue ! Nous avons constaté que le fait de limiter l'utilisation d'insecticides a un réel impact sur la préservation de la biodiversité entomologique. Nous pouvons protéger nos vignes sans conséquences nuisibles pour les auxiliaires de culture et les autres espèces présentes.
Nous testons donc une autre méthode de biocontrôle contre la cicadelle. Au-delà, l'initiative de développement de méthodes de protection
communes a recréé le groupe de développement d'agriculture durable de l'île de Ré. Les viticulteurs sont devenus acteurs auprès de la collectivité, qui s'est
également réapproprié son agriculture.