DES TECHNIQUES BIO POUR TOUS


« LES PROGRÈS TECHNIQUES OBTENUS EN BIO SONT UTILES AUSSI AUX PRODUCTEURS CONVENTIONNELS »
Il y a vingt ans, la station expérimentale Terre d'essais de Pleumeur-Gautier (Côtes d'Armor), outil collectif des professionnels bretons de la production légumière,
se convertissait à l'agriculture biologique. « Un ingénieur de la station avait démarré des tests en bio et les coopératives avaient la volonté d'accompagner les candidats à la conversion, raconte Jean-Jacques Le Bris, secrétaire de Terre d'essais et maraîcher bio dès cette époque. C'est la force de nos organisations de respecter la pluralité de l'agriculture et de ne pas opposer les modes de production. Mais ce choix de la mixité n'était pas si simple et a été critiqué. Au début, nous n'osions même pas affirmer notre identité Prince de Bretagne. » La conversion de la station vise d'une part à éviter les impasses techniques et les échecs en agriculture biologique ; d'autre part à encourager la réduction des intrants en agriculture conventionnelle. Elle travaille sur les fondamentaux de l'agronomie tels que la fertilité du sol, la rotation, les couverts et les cultures associées. Le désherbage mécanique a aussi été beaucoup testé, en amont de la culture via la préparation du sol, et pendant la culture avec le binage. Pour la quarantaine de légumes bretons, des tests de variétés sont également réalisés pour identifier les plus tolérantes aux maladies. L'impact économique des itinéraires est systématiquement étudié.
Résultats parfois inespérés
« Les travaux réalisés sur la station nous ont apporté beaucoup de confiance, témoigne Jean-Jacques le Bris. Nous avons obtenu des résultats techniques parfois inespérés, sur l'endive par exemple, dont la culture en deux phases est complexe. Grâce aux essais, un protocole a pu être élaboré. Terre d'essais nous a aussi aidé à diversifier nos productions. » La station est ouverte à l'ensemble des légumiers bretons, bio et conventionnels. « Il y a environ 10 % de producteurs bio et il y en aura 15 % dans cinq ans, estime Hubert Jacob, président de Terre d'essais et producteur conventionnel. De plus, les progrès techniques obtenus sur cette station sont utiles aussi à d'autres démarches vertueuses telles que le label Nature&Saveurs. Sur certaines cultures mineures, nous pouvons devenir orphelins de produits phytosanitaires. Par exemple, l'insecticide enrobé contre la mouche du semis du coco de Paimpol a disparu, et nous appliquons maintenant des filets insect-proof comme en bio. » Pour Jean-Jacques Le Bris, le respect, l'écoute et l'échange entre maraîchers bio et conventionnels sont importants car ils permettent à tous d'avancer. « Si 10 % d'agriculture bio peut contribuer à faire évoluer 90 % d'agriculture conventionnelle, les grands gagnants sont les générations à venir. C'est tout l'intérêt des organisations de producteurs mixtes. »
Essuyer les échecs
Petit à petit, Terre d'essais diffuse donc autour d'elle des techniques plus respectueuses de l'environnement. Et elle a encore de nombreux défis à relever. « Le désherbage sur le rang reste un gros enjeu, estime Hubert Jacob. C'est un travail pénible, la main-d'œuvre est peu disponible et coûte cher, les robots autoguidés peuvent nous aider à progresser. Il reste aussi des impasses techniques comme le taupin sur pomme de terre par exemple, contre lequel le progrès génétique est une piste de longue haleine. Nous avons besoin que l'État s'engage davantage sur des financements pluriannuels de nos projets car élaborer des solutions demande du temps. » Selon Jean-Jacques Le Bris, la station expérimentale a pour rôle d'essuyer les échecs car l'équilibre économique des exploitations demeure fragile. « L'agriculture biologique se démocratise ; elle doit être productive et accessible à un maximum de consommateurs. C'est toujours difficile de franchir le pas, mais plus facile qu'il y a vingt ans. Il reste de nombreux sujets à travailler : agronomie, itinéraires techniques de nouvelles espèces, parasitisme et maladies. Nous devons aussi anticiper les évolutions réglementaires telles que le réexamen de l'usage du cuivre. »