
OPINION. À la veille du premier tour des élections législatives, Dominique Chargé(*), président de La Coopération Agricole, fédération des 2.100 coopératives agricoles françaises, représentant 3 agriculteurs sur 4, 70% de la production agricole et 40 % de la production alimentaire, s'exprime sur les quatre priorités du secteur. Selon Dominique Chargé, la réponse à ces urgences est déterminante pour assurer la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations d'agriculteurs.
La dissolution de l'Assemblée nationale prononcée par le chef de l'État le 9 juin dernier annonce d'importants bouleversements politiques pour notre pays. Dans ce contexte, La Coopération Agricole, fédération des coopératives agricoles, entreprises des agriculteurs et des territoires, tient à rappeler ses priorités aux futurs parlementaires, et à celles et ceux qui nous gouverneront demain.
D'abord, rappelons que les questions d'agriculture, d'industrie et d'alimentation sont un enjeu majeur de souveraineté française et européenne. Garantir notre souveraineté alimentaire, c'est être en autorité stratégique sur nos chaines d'approvisionnement dans un monde ouvert. Ça n'est pas l'autarcie ou la fermeture des frontières. Au contraire, il s'agit de produire pour nourrir nos concitoyens et de faire de notre agriculture et de notre industrie une force sur la scène internationale.
Entreprises du temps long, au service de l'intérêt général, nos coopératives agricoles ont besoin d'un cap clair dans un monde de plus en plus instable. Un cap qui oriente les systèmes de productions agricoles pour répondre à l'évolution des attentes des marchés et retrouver la voie de la compétitivité. Un cap qui leur donne les moyens de mettre en œuvre les transitions écologiques, un environnement normatif sans injonctions contradictoires.
Pour tracer ce cap, 4 priorités devront être mises à l'agenda dès le 8 juillet :
-
Permettre de produire plus et mieux : sécuriser les moyens de production - eau, génétique végétale et animale, engrais, produits de protection des cultures et des élevages - est indispensable pour continuer à produire en France et assurer aux agriculteurs plus de résilience face à la multiplication des crises et des aléas climatiques. Parallèlement, il faut moderniser le parc industriel et favoriser les investissements en lien avec l'innovation.
-
Assurer un revenu agricole juste et stable : encourager une meilleure organisation de l'offre de production et une meilleure structuration de filières est la condition nécessaire pour y parvenir. Il faut également impliquer le consommateur, qui est aussi un citoyen, dans la vitalité de nos terroirs et le maintien de la diversité de notre alimentation. Une alimentation qui ne peut plus être bradée. La course au prix toujours plus bas condamne à terme l'économie de nos territoires et les investissements indispensables à la survie des tissus agricole et industriel français.
-
Replacer l'origine France dans les caddies de tous les Français et dans toutes les cantines : gagner en compétitivité sur toute la chaine alimentaire doit nous permettre de produire une alimentation d'entrée et de cœur de gamme, celle sur laquelle les consommateurs se sont massivement reportés avec la crise du pouvoir d'achat. Il est déterminant de simplifier et redevenir compétitifs sur tous les marchés, sans pour autant renoncer à la qualité de nos productions, et de jouer à armes égales avec nos concurrents hors et dans l'Union européenne.
-
Accélérer l'accompagnement dans la mise en œuvre des transitions : décarbonation, amélioration de la biodiversité, économie circulaire et bioéconomie, sobriété énergétique et hydrique, doivent devenir des opportunités de croissance pour les acteurs de la chaine agricole et alimentaire plutôt que des risques de décrochage. Pour y parvenir, La Coopération Agricole appelle à la création d'un fonds de transition permettant de mener davantage d'expérimentations, et demande une réforme du conseil en agriculture pour mieux accompagner au quotidien les agriculteurs sur ces enjeux vitaux pour la planète.
De la réponse à ces urgences dépend celle du renouvellement des générations d'agriculteurs. Pour que les jeunes aient envie de s'investir dans ces métiers de passion, il faut leur assurer des perspectives en les inscrivant dans un modèle économique et social résilient facteur d'équilibre entre vie personnelle, familiale et professionnelle.
Car une chose est sûre au milieu de tant d'incertitudes : sans agriculteur, sans agriculture et sans industrie, il n'y a pas d'alimentation.
Ancrées dans les territoires ruraux, les coopératives agricoles emploient plus de 200 000 salariés, rassemblent plus de 3 agriculteurs sur 4 et produisent 40% de l'agroalimentaire en France. Elles sont les poumons sociaux économiques de nos régions.
____
(*) Dominique Chargé est un agriculteur français installé en Loire-Atlantique, éleveur de volailles et de vaches laitières. Il est vice-président de la coopérative Terrena. Il préside La Coopération Agricole, depuis le 13 décembre 2018 et la Confédération Nationale de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit Agricoles depuis le 13 juin 2023. Dominique Chargé occupe différents postes dans le secteur agricole et coopératif. Il est vice-président de la coopérative agricole Terrena.
De 2004 à 2018, il a exercé des responsabilités au sein de la filière lait, notamment comme président du groupe Laïta, secrétaire général puis président de la FNCL5 (Fédération nationale de la coopération laitière) qui deviendra la Coopération laitière et président du Conseil spécialisé Lait de FranceAgriMer. Il est également vice-président de ATLA (association de la transformation laitière française), administrateur de l'ANIA et à l'origine de la section agroalimentaire au sein de Coop de France dont il est alors vice-président. En 2018, il est élu président de Coop de France, association loi 1901, qui fédère les coopératives agricoles françaises, qui deviendra La Coopération Agricole. Dans le secteur de l'enseignement supérieur, Dominique Chargé préside le conseil d'administration de l'Institut Agro depuis 2020.
(Téléchargez l'intégralité de la tribune, à l'aide du bouton ci-dessus ou retrouvez la en ligne sur le site du journal)