Femmes et coopératives: peut mieux faire !

Moins de 10% des administrateurs de coopératives agricoles sont des femmes alors qu'elles représentent un quart des chefs d'exploitations agricoles
Les femmes seraient-elle moins « coopérantes » que les hommes en agriculture ? A en juger par leur faible taux de représentation dans les conseils d’administration des coopératives (9,7 % selon l'observatoire de la gouvernance des coopératives de l'Association Nationale de Révision, de juin 2021), on pourrait le croire. Il n’en est pourtant évidemment rien. Les agricultrices sont au moins aussi communicantes, sociables, ouvertes sur le monde que les autres femmes de la société civile. Alors, qu’est ce qui pourrait expliquer ce défaut de représentation : manque de temps, absence de reconnaissance, héritage culturel machiste, modestie ? Brève enquête sur ce regrettable phénomène.
Pas de contraintes pour les coopératives
La loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle a été votée le 27 janvier 2011. Elle rend notamment obligatoire une représentation de 40% de femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées, de plus de 50 millions d’€ de chiffre d’affaires et de plus de 500 salariés. Les coopératives agricoles ne sont pas contraintes par cette loi notamment parce que les élections y étant totalement libres on ne saurait leur imposer des quotas. En effet, en assemblée générale, n’importe quel associé(e) coopérateur peut prétendre à un poste d’administrateur. Et, par construction, on ne saurait imposer des femmes dans la gouvernance d’une coopérative qui ne comporterait que des associés coopérateurs masculins ! En revanche, les coopératives, en tant que corps social ne sont pas moins concernées que les autres par ce combat.
Sur un plan purement statistique, on compte en France, selon la MSA, 24 % de cheffes d’exploitation. Un chiffre qui monte à 29 % si l’on y inclue les co-exploitantes. Mais ces mêmes femmes ne sont donc représentées qu’à hauteur de 8,4 % dans les conseils d’administration des coopératives. Un chiffre qu’il faut toutefois relativiser puisque, toujours selon la MSA, environ 13% des cheffes d’exploitation succèdent à leur mari pour des raisons administratives lorsque celui-ci prend sa retraite. Quoiqu’il en soit, les femmes sont bien sous représentées dans les instances de gouvernance de leurs entreprises. Pourquoi ?
Trop souvent les femmes n’osent pas
D’abord, semble-t-il, en raison d’une posture dominante d’humilité et de réserve. « Pendant longtemps, je n’ai pas osé » témoigne Stéphanie Bernard Présidente de la coopérative de Beton Bazoche (77) « Je me demandais si j’étais légitime » explique Muriel Penon administratrice de la coopérative Terre Atlantique…, « Je n’ai pas pensé que c’était pour moi, je ne croyais pas être au niveau » avoue Sylvie Bouton, de la coopérative Madivial en Martinique. Un manque « naturel » de confiance en elle, en tous cas pour la prise de responsabilité dans les entreprises, apparemment partagé par beaucoup de femmes quelle que soit leur origine sociale. Les confessions et autres témoignages dans ce sens ne manquent pas. « Choisissez tout ! » est le titre de l’ouvrage autobiographique de Nathalie Loiseau actuelle ministre des Affaires européennes dans lequel elle explique : « Aujourd'hui je voudrais partager ce que j'ai vu et vécu, donner envie à d'autres femmes d'oser, de rêver et de changer le monde ». Quant au soupçon de machisme qui pourrait perdurer dans le milieu agricole, force est de reconnaitre qu’il ne facilite pas les choses. Sans toutefois empêcher toute prise de responsabilité. Une dizaine de femmes sont en effet aujourd’hui présidentes de leur coopérative, dont certaines de très belle taille. Et puis, 8,4 % d’administratrices cela représente tout de même au minimum 2 000 personnes. Enfin, le machisme n’est-il pas une façade bien fragile devant la manifestation évidente d’une compétence ? « Si vous aimez et connaissez votre métier on vous respecte » reconnait Sylvie Bernard. Cette réserve « naturelle » (ou culturelle ?) n’est pas pour autant la seule raison d’une trop faible participation des femmes à la gouvernance des coopératives. Il y a aussi et peut-être surtout leurs « multifonctionnalité » : tenue de la maison, enfants, et, souvent des tâches administratives pour l’exploitation.

Des valeurs ajoutées
Le désir d’émancipation et de reconnaissance est bien partagé chez les agricultrices comme chez toutes les femmes. « J’ai entendu ma mère, qui faisait pourtant la comptabilité de la ferme, dire qu’elle n’était « rien » après une visite du comptable. Ce jour-là je me suis jurée de ne pas être « rien » à mon tour » témoigne l’administratrice Charentaise. « Maintenant, dans ma coopérative, j’ai le désir de faire reconnaître mes compétences » ajoute t-elle. Mais au fait, quelles compétences ? Pour commencer il y a les expertises spécifiques souvent acquises dans une première vie professionnelle : expertise comptable et financière, techniques agronomiques ou industrielles, management, communication,… Beaucoup de jeunes agriculteurs ou agricultrices, souvent mieux formés que leurs parents, commencent en effet leur vie active dans une entreprise ou une organisation. Ils y acquièrent des compétences précieuses pour comprendre et éclairer des enjeux et des décisions. Mais il y a aussi, n’en déplaise aux pourfendeurs de la théorie du genre, des qualités plus spécifiquement féminines et ô combien utiles dans les dynamiques de groupe : l’humilité, on l’a déjà dit, le sens de la négociation et du compromis, la résolution, le pragmatisme, l’absence de complexe. « Souvent je constate un certain soulagement chez mes collègues masculins quand je demande une explication en conseil car eux-mêmes n’osent pas le faire de peur de passer pour des ignorants » raconte une administratrice. Sylvie Alem Présidente de la cave de Monbazillac enfonce le clou : « Je crois que nous les femmes on va plus vite ; habituées à gérer plusieurs dossiers en même temps, on va à l’essentiel de la décision sans palabrer indéfiniment comme le font parfois les hommes ».
La parité est un sujet de société qui concerne les coopératives comme toutes les autres organisations. Et de manière de plus en plus prégnante. L’égalité homme-femme n’a-t-elle pas été déclarée « grande cause du quinquennat » par le Président Macron ? Les coopératives aussi entendent bien relever ce défi. Coop de France s’apprête d’ailleurs à faire une recommandation sur ce thème.
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Un club des administratrices pour susciter des vocations Depuis 2018, La Coopération Agricole Solutions+ anime "Les Elles de la Coop", club réunissant des administratrices de coopératives dont l’objectif est de susciter des engagements chez les agricultrices. Le club se propose d’identifier « les principaux points de blocages, les résistances, les contraintes, freins, … liés au contexte de la coopération agricole ou aux individus eux-mêmes ». Son objectif est de contribuer à l’augmentation de la présence des femmes dans les Conseils d’Administration mais aussi leur Bureaux. Vous êtes administratrices de coopérative et vous souhaitez rejoindre ce club : cliquez ici et envoyez un mail à l'adresse indiquée. |