La démocratie coopérative au quotidien

Les coopératives multiplient les occasions de rencontres avec leurs adhérents
Comment le principe « une personne-une voix » se décline-t-il en pratique et au quotidien ? Pas de la même façon dans une coopérative polyvalente de 15 000 agriculteurs répartis sur un territoire régional voire national que dans une « petite » structure d’une dizaine de coopérateurs. Mais le principe est le même : la démocratie.
Mis à jour le 21/02/2022
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Une organisation démocratique adaptée à la taille de la coopérative

3 niveaux de pouvoir existent dans toutes les coopératives. L’assemblée générale des associés-coopérateurs qui valide la stratégie et élit des représentants administrateurs, le conseil d’administration qui propose la stratégie et contrôle l’action de l’équipe dirigeante et le directeur qui gère l’entreprise. Dans une coopérative de quelques dizaines de membres, ces structures suffisent largement pour une bonne circulation de l’information. En revanche, plus la taille augmente, plus le contact avec chaque agriculteur doit être organisé. Pour cela, les coopératives peuvent créer de plus petites unités représentatives appelées sections (ou parfois, en pratique régions). Tel est le cas d’Axereal (45) qui organise 17 réunions dites de section par an, avec au total 700 participants. Ces réunions sont animées par l’équipe dirigeante de la coopérative et l’administrateur local, un adhérent qui représente la région au conseil d’administration. Les agriculteurs-coopérateurs peuvent ainsi s’exprimer directement et débattre de tous les sujets qui les concernent au quotidien comme des grandes orientations du groupe. En passant par la répartition des résultats de l’entreprise. Au total entre les réunions du conseil d’administration et de bureaux, les conseils de région et de liaison, les réunions techniques sur le terrain, plus de 5600 agriculteurs participent à des réunions dans l’année. Chez Arterris qui compte 2500 adhérents, l’organisation est similaire et permet de rencontrer physiquement la quasi-totalité des adhérents dans l’année.

Tout seul on va plus vite mais à plusieurs on va plus loin : un mode de gouvernance particulier

Triskalia (16 000 adhérents) est administrée quant à elle par 350 élus représentant les 8 filières, porc, lait , viande,… et 12 territoires. « Quand vient le temps de partager le résultat économique, autant vous dire que les discussions vont bon train !» témoigne un administrateur. Conscient de l’importance de la vie coopérative, Triskalia multiplie les initiatives pour motiver ses agriculteurs à participer aux réunions décentralisées.

« Chez 110 Bourgogne, témoigne son directeur Jean-Marc Krebs, toutes les nouvelles idées de produits ou de services sont passées au crible des comités de région qui se réunissent 4 fois par an ; et celles qui ne recueillent pas l’assentiment général sont abandonnées ». « Evidemment cela ralentit les processus de décisions mais celles qui sont prises sont beaucoup mieux partagées ». Une manière d’illustrer le fait que « Tout seul on va plus vite mais à plusieurs on va plus loin ».

 

Interview de Sébastien Chevalier Administrateur Agrial:
"La proximité avant tout"

Sébastien Chevalier est administrateur d’Agrial, 4ème groupe coopératif français avec un chiffre d’affaires de 5,2 milliards €. Il est président de la commission « vie coopérative ».

Comment conserver une vraie démocratie coopérative avec 14 000 adhérents sur 7 départements ?

En décentralisant. Nous sommes organisés en 18 « régions » dotées d’une grande autonomie d’action, avec un conseil composé d’agriculteurs élus et une équipe de salariés. Dans ma région par exemple, qui correspond au département de la Mayenne, cela représente 25 conseillers de section et 120 salariés. On se connait tous et on prend ensemble les décisions qui impactent directement la vie des adhérents. En fait, les régions d’Agrial fonctionnent comme des mini-coopératives. C’est grâce à cette proximité que la gouvernance est encore une réalité chez nous. La taille n’est donc pas un handicap en la matière.

Et pour les grandes décisions au niveau du groupe, comment cela fonctionne-t-il ?

Il est évident qu’il y a une stratégie globale et des lignes directrices dans un groupe comme le nôtre. Elles sont définies au niveau du conseil d’administration. Et, comme le conseil est constitué des 18 présidents de région mais aussi des 14 présidents de chaque métier de l’entreprise (porcs, volailles, lait, céréales, légumes, …), toutes les sensibilités et toutes les facettes du territoire sont représentées. Autre exemple de la réalité de la gouvernance, nous venons de boucler notre projet stratégique « Horizon 2025 ». Ce chantier a occupé les 500 élus d’Agrial qui ont travaillé pendant 18 mois en groupes à raison de 10 réunions par an complétées par des visites dans des coopératives voisines et même européennes. L’ensemble du chantier était animé par un outil collaboratif en ligne qui permettait à chacun de donner son avis et faire des propositions. Aussi, je peux vous dire que ce projet d’entreprise sera bien le projet des agriculteurs-coopérateurs d’Agrial !

L’échange et le partage d’expériences concrètes, une autre forme de démocratie d’entreprise

Mais la gouvernance coopérative, ça n’est pas qu’une organisation démocratique et a fortiori le respect d’un cadre juridique. Pour François Purseigle sociologue du monde agricole, c’est aussi un état d’esprit et de bonnes pratiques : « les coopératives doivent être des lieux d’écoute respectant leurs individualités, des lieux d’apprentissage, des lieux où il y a de l’innovation technique, sociale et marchande. » Les coopératives l’ont compris en multipliant les occasions de rencontres et de partage sur l’amélioration des techniques de production, l’apprentissage de nouvelles productions ou les performances économiques de l’exploitation. Vivescia par exemple anime un club d’agriculteurs, « VIVESCIAgrosol », qui regroupe 300 membres, répartis en 15 groupes. Il réunit les adhérents qui veulent progresser en agriculture dite de conservation, un ensemble de techniques qui visent à mieux respecter les sols. Prince de Bretagne quant à elle a créé la station « Terre d’essais », un outil d’expérimentation au service de ses maraichers-coopérateurs qui souhaitent se convertir à l’agriculture biologique. Et dont profitent aussi les autres producteurs de légumes conventionnels qui sont particulièrement intéressés par des techniques plus respectueuses de l’environnement.

 

Exemple d'Assemblée Générale avec la coopérative Triskalia :