Manifeste "Mieux nourrir la France au XXIème siècle par nos territoires"


Mis à jour le 27/05/2021
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La France produit de moins en moins l’alimentation que sa population consomme : cette réalité économique et géopolitique ne remonte pas à la pandémie de SARS-CoV-2, mais elle n’est pas pour autant irrémédiable. Notre position de puissance agroalimentaire de rang mondial s’est sérieusement dégradée depuis deux décennies : division par quatre du nombre d’agriculteurs, réduction de 50% des surfaces agricoles, dumping à l’intérieur de l’UE et a fortiori de pays tiers dans le cadre d’accords de libre-échange… La France pourrait perdre pour la première fois son excédent agricole en 2023 et elle a déjà perdu sa position de premier exportateur agricole et agroalimentaire au sein de l’UE en 2018 (étude économique de l’INRA, 2019). La pandémie de SARS-CoV-2 et la mise en tension du secteur agroalimentaire n’a fait que révéler un déséquilibre structurel déjà latent : non seulement la position des filières agricoles exportatrices se dégrade sur les marchés internationaux (compétitivité-prix, dumping, protectionnisme économique…), mais surtout la France importe des produits agroalimentaires dont une partie importante pourrait être produite sur son sol, sur nos territoires.

La restauration de la souveraineté alimentaire dans la France et l’Europe du XXIe siècle est devenue indissociable de la réussite des transitions écologiques de notre modèle agroalimentaire, de la fourche à la fourchette. La souveraineté, c’est la maîtrise de l’ensemble de la chaîne des activités stratégiques qui s’avèrent indispensables à la vie d’une Nation. La transition écologique du modèle agroalimentaire signifie la conversion des modèles de production, de transformation industrielle, de consommation, de recyclage et de valorisation consistant à changer la nature de la croissance économique en veillant à la résilience des milieux et des écosystèmes face aux défis du changement climatique. Résoudre les vulnérabilités et les défis de transition de modèle de la Ferme France implique donc une forme de quadrature du cercle : produire plus sur notre sol, s’adapter aux attentes de la société – quand elles sont légitimes –, tout en préservant l’état écologique des agrosystèmes et des écosystèmes.

Cette « souveraineté alimentaire agroécologique » de la France s’envisage à la maille des territoires et dans une perspective de relance économique et écologique au sein de l’UE. L’action partenariale renforcée entre les Régions, les Départements et les Intercommunalités d’une part et les coopératives d’autre part s’avère donc cruciale pour réussir concrètement à restaurer notre puissance productive dans l’agroalimentaire tout en respectant les engagements européens et internationaux de la France : Green New Deal européen, Farm To Fork et nouvelle PAC, Accords de Paris de 2016 sur le Climat. Régions, Départements et Intercommunalités agissent de manière structurante sur les systèmes agricoles et agroalimentaires, sur l’aménagement durable des territoires, sur la production décentralisée d’énergies vertes, sur le développement rural dans une logique de projets locaux. Les 2 300 coopératives rassemblées dans La Coopération Agricole sont, des entreprises territoriales du secteur agroalimentaire, présentes sur l’ensemble du continuum de la fourche à la fourchette, transversales à toutes les productions d’alimentation et disposant d’une capacité d’entraînement sur des nouvelles pratiques auprès des agriculteurs comme des industriels et des consommateurs eux-mêmes. Les convergences entre les collectivités territoriales assurant le lien entre les financements de l’UE et le développement local et les coopératives capables d’agir à la maille de l’exploitation comme de la filière sont donc cruciales pour mieux nourrir la France au XXIe siècle par ses territoires.

Pour nourrir, il faut produire. Mais pour « verdir » aussi, il faut produire. Au motif d’une urgence écologique bien réelle, la production de notre alimentation se retrouve prise en étau, sous le feu d’injonctions paradoxales. Le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le Climat en est un parfait exemple. La France est devenue un pays exportateur de produits agricoles et importateur de produits agroalimentaires à plus forte valeur ajoutée, dont une grande partie pourrait être produite sur nos territoires. Le défi est double : augmenter la puissance productive agricole et agroalimentaire sur les postes déficitaires à l’échelle de nos bassins de vie et de notre pays tout en décuplant les investissements publics et privés pour accompagner les transitions agroécologiques (adaptation des cultures de céréales ou fruits et légumes au changement climatique, réduction des intrants et introduction de biocontrôles, innovation génétique pour la diversité variétale dans les céréales, innovations sociales et technologiques telles que robotisation et agriculture de précision, valorisation et production de services écosystémiques sur les exploitations d’élevage…).

Mieux nourrir la France par les territoires suppose également d’œuvrer à la réindustrialisation pour assurer cette reconquête de marchés agroalimentaires et développer l’emploi industriel sur nos territoires périurbains et ruraux. Une enquête de Familles Rurales publiée le 31 mars 2021 établit que l’opinion publique considère que la réindustrialisation sur des biens essentiels comme l’alimentation serait propice à la redynamisation des zones rurales (93% pour l’ensemble des Français, 94% pour les ruraux).

Mieux nourrir la France par les territoires, c’est aussi oeuvrer de concert, entre élus locaux et acteurs économiques du secteur agroalimentaire, à trouver les conditions d’une acceptabilité politique et sociale de la restauration de notre souveraineté alimentaire « verdie ». La résolution des vulnérabilités du modèle agroalimentaire français est soumise à une série d’injonctions paradoxales kafkaïennes que les confinements successifs de la pandémie de SARS-CoV-2 sont venus exacerber : « produire et consommer local », mais avec des exploitations éloignées des habitats ; « sortir des pesticides », mais en ne développant pas suffisamment la R&D, par exemple sur les innovations génétiques dans les cultures ; « mieux rémunérer les agriculteurs », mais en préservant les marges de la grande distribution et sans augmenter les prix à la consommation ; « renouveler les générations d’agriculteurs », mais privilégier l’urbanisation résidentielle au foncier agricole ; « relocaliser des produits agricoles et alimentaires que la France importe », mais en réduisant les surfaces agricoles utiles dans la nouvelle PAC…

Mieux nourrir la France au XXIe siècle par ses territoires, c’est rechercher un nouveau compromis économique et politique entre l’État, l’Union Européenne, les collectivités territoriales et les acteurs économiques du monde agricole et rural. L’Assemblée des Départements de France, Régions de France et La Coopération Agricole ont ainsi travaillé à une plateforme de 12 propositions communes :

AXE 1 : mieux organiser la production de l’alimentation selon les attentes des territoires et des consommateurs

AXE 2 :  accélérer la transition écologique de la production agricole et agroalimentaire

AXE 3 : consommer une alimentation de qualité produite localement.

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"Mieux nourrir la France au XXIème siècle par nos territoires" :
Douze propositions concrètes pour y parvenir