"Au début je n'osais pas"

Stéphanie Bernard, agricultrice et présidente de la coopérative de Beton-Bazoches
Stéphanie Bernard est agricultrice sur une exploitation de 300 hectares en Seine et Marne et cultive des céréales, du colza, des protéagineux. Après des études de psychologie et de sciences de l’éducation pour travailler dans l‘enseignement, c’est le revirement total, à la grande surprise de son entourage.
Mis à jour le 19/11/2018
IMG_12671 site4.jpg

Elle passe un BTS agricole en apprentissage puis happée pendant 8 ans par la banque, au Crédit Agricole, comme conseillère financier, elle se décide à 35 ans à « retourner à la terre » et elle reprend la ferme familiale en tant que chef d’exploitation. Non pas sous la pression familiale, bien au contraire. « Nous sommes une famille de filles et mon père ne nous emmenait pas dans les champs ; pour lui ce n’était pas forcément la place d’une fille ; ce qui ne l’a pas empêché d’être fier par la suite de me voir reprendre les rênes ». Elle s’intéresse à tout, change petit à petit la manière de cultiver en adoptant les techniques de l’agriculture de conservation : arrêt du labour, implantation de couverts végétaux systématiques et demain le semis direct. Pour plus de biodiversité, plus de carbone stocké, plus de fertilité naturelle. Des changements radicaux qu’il faut savoir assumer dans une profession très majoritairement masculine. Mais pas machiste selon elle : « si vous aimez et connaissez votre métier on vous respecte » explique-t-elle. C’est valable sur la ferme comme à la coop.

Elue à l'unanimité 4 ans de suite

Oui car, 4 ans après son installation, le président de sa coopérative souhaite passer la main. Déjà membre du conseil d’administration en tant que stagiaire puis administratrice, elle se présente et est élue à l’unanimité. Composé de 12 administrateurs (et 3 stagiaires) dont 3 femmes, le Conseil continue à lui faire confiance puisqu’elle vient d’être réélue pour la 4ème année : « Je ne suis pas du genre à tout décider toute seule ; je sais lâcher du lest et les décisions finales ne sont pas toujours celles qui avaient ma préférence…hormis les décisions stratégiques ». La coopérative de Beton-Bazoches, c’est 160 agriculteurs-coopérateurs, 12 salariés, 110 000 tonnes de céréales collectées, 24 millions d’€ de chiffre d’affaires.

Femme de tête surement mais surtout femme de responsabilité issue d’une famille qui a le sens de l’engagement, avec un grand père président de coopérative et un père encore aujourd’hui maire de sa commune. En tous cas pas un combat féminin : « je me définis avant tout comme agricultrice engagée pas comme femme ». « Pendant longtemps, je n’ai pas osé » explique t-elle « mais maintenant mon parcours me parait tout naturel. » Bien sûr les journées sont chargées avec les 3 jeunes enfants sans aide particulière à la maison, un mandat à la chambre d’agriculture d’Ile de France, les réunions professionnelles diverses... Et la coopération dans tout ça ? « je suis persuadée que c’est un modèle d’avenir ; les agriculteurs ont de toute façon besoin de travailler ensemble et la coopérative, dans toutes ses dimensions, est surement la meilleure des organisations collectives ».